Du 19 novembre au 30 décembre 2021
Zad Moultaka “Apocalypse 6:08”
ZAD MOULTAKA, AUX VAINCUS, QUI SAVENT
QUE LE CRATÈRE DEVIENDRA UN LAC
C’est dans une opposition radicale et ontologique à la
violence et à la cruauté qu’il est intéressant d’entendre
et de chercher le filigrane du travail de Zad Moultaka.
Et il ne s’agit pas ici d’un avertissement donné par celui
qui sait parce qu’il a souffert.
Il s’agit de quelque chose de plus profond.
Ses peintures (à l’instar de ses créations musicales)
semblent vouloir nous donner à ressentir une sorte
de “victoire des vaincus” au devenir certes lointain, et
pourtant inéluctable. Et celà ne procédant ni du dogme
ni de l’étendard, mais de quelque chose de presque
spirituel, comme un espoir nu, habitant celui qui sait
que tôt ou tard, le cratère deviendra un lac.
On peut chercher à voir dans son travail pictural, au
premier regard, la violence d’un conflit au travers de
ses décombres maculées. Mais la main qui déchire, qui
arrache le papier, est aussi celle qui le pétrit et le masse.
Zad Moultaka fait ainsi cohabiter l’instantanéité de la
détonation, la spectacularité de la destruction avec le
temps long et géologique, l’indicible lenteur qu’il faut au
torrent pour devenir méandre, limon, marais, champs,
forêt.
Comme s’il ne fallait pas s’attarder sur les causes d’une
explosion, mais répéter sans fin que les souffrances
qu’elle engendre, et c’est inéluctable, prendront fin.
La syntaxe plastique de Zad Moultaka trouve des échos
dans les œuvres de Joan Mitchell, de Willem De Kooning
ou d’Helen Frankenthaler, mais ce n’est pas dans le jeu du
langage de sa peinture que se trouvent ses singularités.
Cette écriture moderniste et abstraite est résistante, et
semble plus forgée que détruite par l’onde de choc des
bombes. Zad s’en sert pour tisser ensemble histoire,
mythes, témoignages ou ritournelles, dans un écheveau
sensible à la gloire de l’empathie comme panacée.
Raphaël Charpentié
ZAD MOULTAKA, TO THOSE, VANQUISHED, WHO
KNOW THAT THE CRATER WILL BECOME A LAKE
It is through a lens of radical and ontological
opposition to violence and cruelty that it would be
interesting to seek and understand the watermark of
Zad Moultaka’s work.
And this is no warning uttered by one who knows
merely because he has suffered.
It is about something deeper.
It seems that his paintings (much like his musical
creations) strive to stir in us a feeling akin to “the
victory of the vanquished”, whose fate, albeit distant,
is unavoidable. It does not stem from any dogma
or banner it rides under, but from something nearly
spiritual, like a naked hope inhabiting the one who
knows that sooner or later, the crater will become
a lake.
One can seek, at first glance, to see in his pictorial
work the violence of a conflict through its tainted
wreckage. Yet the hand that rips and shreds the
paper and the hand that works and kneads it are one
and the same.
Zad Moultaka thus makes the instantaneity of the
detonation and the spectacularity of the destruction
coexist with the length and geology of time, the
indescribable slowness it takes for a torrent to
become a bend, a silt, a marsh, a field, then a forest.
As if we shouldn’t dwell on the causes of an explosion,
rather repeat, over and over again, that the suffering
inflicted by it will inevitably end.
Zad Moultaka’s plastic syntax finds echoes in the
works of Joan Mitchell, Willem De Kooning or Helen
Frankenthaler. But it is not in the language game of
his painting that lie its singularities.
This modernist and abstract writing is resilient and
appears to be forged – rather than destroyed – by
the bombs shockwave. Zad uses it to weave together
history, myths, testimonies or ritornellos in a sensitive
skein, an ode to empathy as a silver bullet.
Raphaël Charpentié